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L'Illustration du 20 octobre 1849

Description
Année
Year
1849
Titre
Title
L'Illustration, N°347, Vol. XIV - Samedi 20 octobre 1849
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Nouvelle machine à calculer, par Mr Thomas de Colmar
Auteur(s)
Author(s)
Collectif
Illustrations
Figures
Oui
Pages
page 128


Source
VM


Illustrations / Figures
Fig.1


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Nouvelle machine à calculer, par Mr Thomas (de Colmar)

 

« Nous vous annonçons en tête de notre article que nous allons nous occuper d'une nouvelle machine à calculer, et c'est plutôt ancienne que nous devrions dire; car celle qui est due à M. Thomas (de Colmar) remonte à 1818, et a été brevetée eu 1820. Depuis cette époque M. Thomas l'a perfectionnée, simplifiée, améliorée, et lui a donné une plus  grande portée; mais le principe est resté le même , et ce principe a été jugé excellent en 1829, par la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, sur le rapport d'un homme compétent en pareille matière, du savant M. Francœur .

Arithmomètre. - Machine à calculer de M. Thomas (de Colmar).

 

 

 Mais depuis cette époque, M. Thomas n'est pas resté inactif : sa machine, quoique donnant des résultats exacts avec une grande facilité, présentait une complication de pièces qu'il tenait à coeur de faire disparaître, pour l'amener a une simplicité telle, qu'on ne la prit pas pour une curiosité bonne à orner un cabinet de mathématicien, mais qu'elle devint abordable par son prix à tous ceux que le commerce, l'in­dustrie ou les spéculations forcent à faire un grand nombre de calculs tous les jours. C'est donc après trente années de travaux consécutifs que M. Thomas est arrivé à composer la machine à calculer que quelques-uns de nos lecteurs ont pu voir à l'exposition de l'industrie et dont nous avons eu dans notre cabinet un exemplaire réduit pouvant donner instanta­nément des produits de cinq chiffres par cinq chiffres. Et ce n'est pas sans d'immenses difficultés que cet inventeur a pu atteindre ce merveilleux résultat; car il n'est pas mécanicien, et il lui a fallu s'adresser à des ouvriers auxquels il devait expliquer ses idées, idées souvent peu mûres encore et que ces derniers ne pouvaient ni aider ni rectifier ni souvent même comprendre. Un seul , un jeune homme nommé Piolaine, fils d'un horloger de Neuilly, s'était montré assez intelligent et avait commencé une machine sur un système entièrement nouveau; il allait l'achever, quand la mort est venue le surprendre en 1848. Cependant la construction en était assez avancée pour qu'on ait pu la terminer et que nous l'ayons vue fonctionner il y a quelques jours.

Si nous sommes entrés dans ces détails préliminaires, c'est que notre journal a parlé au mois d'avril dernier de l'ingénieuse machine â calculer de MM. Maurel et Jayet, et sans vouloir élever ici ni discuter la question de priorité entre ces inventeurs et M. Thomas, il nous a semble utile et bon, dans notre impartialité, de donner également place dans nos colonnes à la description d'un appareil dont l'idée première, qui date de 1818, n'a pas subi de modification et dont les pièces mécaniques seules ont été améliorées et simplifiées. Car nous devons le noter ici, en comparant la machine ac­tuelle au dessin du bulletin de la société d'encouragement, on reconnaît que le principe est absolument le même, et que les seules modifications portent sur un arrangement meilleur et la suppression de quelques pièces du mécanisme.

La partie sans contredit la plus difficile de notre tâche est la description de cette machine, sans qu'un dessin géométrique vienne nous aider; quand il s'agit de roues d'engrenage, armées d'un nombre de dents plus ou moins considérable, de déclics, de plans inclinés microscopiques, le langage ne suffit pas, et, quelque clarté qu'on y apporte, il est impossible que le lecteur comprenne. Aussi devons-nous nous borner à donner une idée du mécanisme en faisant des voeux pour que l'intelligence du lecteur supplée à notre insuffisance, ou, ce qui vaudrait encore mieux, pour que M. Thomas publie bientôt une description de sa machine avec les plans à l’appui.

Nous avons dit plus haut que la machien exécutait avec une rapidité prodigieuse les quatre règles de l’arithmétique ; nous ajouterons qu’elle sert également aux extractions de racines. Sa construction est fondée sur les principes suivants :

 

1° la multiplication est une addition abrégée d’une quantité avec elle-même.

2° La division est une soustraction abrégée qui a pour objet de faire connaître combien de fois une quantité est contenue dans une autre.

 

L'arithmomètre dont nous donnons le dessin se compose de deux parties ; l'une, la partie antérieure, contient le mouvement d'ensemble; l'autre, le résultat. Entre deux platines de cuivre liées par quatre piliers se trouve ajusté le système du multiplicande, du multiplicateur et du mouvement d'en­semble. Cette cage est recouverte d'une plaque de cuivre dans laquelle sont pratiquées autant de fentes qu'il y a de chiffres au multiplicande (sur notre dessin c'est cinq fentes); il y en a une de plus à gauche pour le multiplicateur. Dans ces fentes, on fait glisser un bouton pour marquer les chif­fres du multiplicande et un des chiffres du multiplicateur. - Sur une platine séparée, située à la partie postérieure, sont ajustés des cadrans dont chacun porte dix chiffres de 0 à 9, qui indiquent au travers de petites lucarnes les produits ob­tenus. Cette platine peut se lever et glisser le long de la cage sur une barre d'acier qui lui sert de charnière, de manière à rendre indépendants du mouvement les cadrans des unités, des dizaines, des centaines, successivement et à mesure que la multiplication par les unités, les dizaines, les centai­nes, etc., a été opérée.

Le mécanisme se compose, pour les cinq chiffres du mul­tiplicande, de cinq cylindres cannelés seulement sur les neuf vingtièmes de leur surface: c'est-à-dire que la circonférence a été divisée en vingt parties et que les cannelures n'occupent que neuf de ces parties, mais elles ne règnent pas sur toute la longueur et sont coupées par neuvièmes en forme d'escalier pour représenter le chiffre du multiplicande de 1 à 9. A l'intérieur de chacun de ces cylindres se trouve une dixième dent pressée par un ressort à boudin qui sert à faire les retenues et dont nous parlerons tout à l'heure. Tous ces cylindres sont armés de pignons qui correspondent au multiplicateur et de roues d'angles qui engrènent avec les cadrans.

Le cylindre du multiplicateur est taillé en spirale de manière que, le bouton étant amené dans la fente au chiffre par lequel on veut multiplier, ce cylindre fasse autant de révolutions qu'il y a d'unités dans ce chiffre, et comme tous les cylindres ont des roues qui engrènent les unes dans les autres, tous ensemble font le même nombre de révolutions.

Cela posé, nous allons tâcher de faire comprendre par un exemple très simple comment opère la machine. Supposons qu'on ait à multiplier 5 par 3. Nous amènerons le bouton des unités (première fente à droite) sur le chiffre 5 et le bouton du multiplicateur sur le chiffre 3 : ce cylindre cannelé aura donc trois révolutions à faire pour revenir à son point fixe ou, en d'autres termes, le nombre 5 sera ajouté deux fois à lui-même. La première révolution amène sur le premier ca-dran de droite ( cadran des unités) ce chiffre 5. en faisant passer successivement sous les yeux du lecteur les chiffres 1, 2 ,3, 4 et 5 : quand le chiffre 5 a paru, la première révolution s’achève sans que le cadran bouge, et on le comprendra, si on se rappelle que les cannelures du cylindre multiplicande sont taillées en escalier, ce qui fait que le bouton n’agit que sur un nombre de cannelures égal au chiffre à multiplier. A la seconde révolution, on voit passer sur le cadran 6, 7, 8, 9 et enfin 0 : mais à ce moment commence le rôle de la dixième dent, qui, comme nous l’avons dit, est cachée dans le cylindre et préssée par un ressort à boudin.

Quand on arrive à 0 cette dent sort, engrène avec le cadran de gauche, au moyen d’un plan incliné et d’un cliquet que nous ne pouvons mieux expliquer sans figure, et fait tourner ce cadran ( le cadran des dizaines) d’un chiffre. Alors il marque 1 et les chiffres lus sur les deux cadrans forment 10, et la révolution s’achevant, cette dixième dent, la dent des retenues, passant surun autre plan incliné, rentre dans le cylindre. La troisième révolution se fait, et l’on arrive au chiffre 15. – Si on l’avait multiplié par 4 au lieu de 3, la quatrième révolution aurait de nouveau fait partir la dent des retenues, qui aurrait fait avancer le cadran des dizaines d’un nouveau chiffre, et les deux cadrans auraient marqué 20.

Ce que nous venons de dire avec le plus de clarté possible suffira pour faire comprendre l’admirable mécanisme que nous avons voulu décrire et dans lequel la partie la plus ingénieuse nous paraît être, sans contredit, la dent des retenues.

Maintenant on peut se rendre compte de la manière dont sexécutent les opérations.

Pour l’addition, on pose le premier nombre à additionner sur les boutons des fentes de droite, et, pour le reporter sur les cadrans, on met le bouton de gauche sur le chiffre 1, car c’est comme si on multilpliait ce nombre par 1 ; on donne un tour de manivelle, et le nombre se trouve écrit sur les cadrans. On pose de même le second nombre ; on amène le bouton au chiffre 1, et un autre tour de manivelle le transporte sur les cadrans, où il se trouve ajouté au premier, et ainsi de suite : c’est-à-dire que l’addition est faite en même temps que les chiffres posés.

Pour la multiplication, nous venons d’expliquer en détail son mécanisme : on multiplie successivement par chacun des chiffres du multiplicande ; mais on a soin, à mesure qu’on multiplie par les dizaines, par les centaines, etc…, de pousser la platine des cadrans d’un cran de gauche à droite, pour dégager successivement les unités, les dizaines, etc …, dont le chiffre n’est plus affecté par les résultats de l’opération.

Pour la soustraction et la division, opérations inverses des deux précédentes, il suffit de désembrayer les cadrans au moyen d’une aigille et de les embrayer en sens inverse.

Nous désirons que le rapide description que nous venons d’esquisser soit assez compréhensible pour donner à nos lecteurs une idée de l’arithmomètre de M. Thomas ; quant à nous, nous ne pouvons que dire que nous avons été emerveillé de cette machine, de la sûrté avec laquelle elle opère, et de la rapidité de ses résultats. Il ne nous reste qu’un vœu à former : c’est que Mr Thomas arrive bientôt à une fabrication courante et livre ses appareilspouvant donner des produits de dix chiffres au prix de 100 fr. ou 125 fr., comme il nous a affirmé pouvoir le faire. Nous lui garantissons un immense succès et un immense débit ; car dans notre cercle restreint nous connaissons plusieurs industriels, qui sur la description que nous leur avons faite de l’appareil, nous ont déclaré être disposés à en acheter plusieurs exemplaires pour leurs usines.

L’exemple porté sur le dessin est la multiplication du chiffre 76,948 par le chiffre 9 : l’opération est terminée, puisque le bouton qui indique le multiplicateur ( 1re fente à gauche) est arrivé au chiffre zéro. Le résultat de cette multiplication, qui se lit sur les petits cadrans placés en haut est 692,532.

*Document mis au format HTML par Valéry Monnier, 2005

 

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2007